The Exorcist#Antiphon Dub

Compte-rendu de la performance du 4 decembre 2014. ENS Louis-Lumière.
Suspended score for prepared piano, bass and voice.


cast
Bass .............Denis Bernardi
Voice..........ivan Magrin-Chagnolleau
Piano ............Frédéric Mathevet

Technics

Pierre Chailloleau
Florent Denizot
François Salmon
Adrien Soulier

Thanks

Pascal Spitz
Frank Gillardeaux

Partition pour basse à l'échelle 1.


Si certains artistes ont pu imaginer un « bruit » industriel pour penser une musique en accord avec leur époque, peut-on envisager aujourd'hui, de la même façon, un « bruit » post-industriel ? Une musique pour un peuple post-industriel et post-capitaliste semble devoir renoncer aux vertus que le « bruit » a pu symboliser dans l'histoire des musiques et des arts sonores récents.

En effet, que reste-t-il de « bruit » dans un monde où le « mickey mousing » s'est généralisé et globalisé ? Comment, dans une société qui compose et qui calibre tous les bruits de son environnement comme une bande sonore, le musicien peut-il espérer écouter et concevoir des « bruits » au premier degré ? Force est de constater que les « bruits » ne sont désormais que des signes interchangeables sur l'axe paradigmatique du grand syntagme sensible post-capitaliste. Il ne peut donc rester de « bruit » que ce son inexplicable, relayé au grenier, par lequel commence tout bon film d'horreur. Un bruit annonciateur d'un désordre diégétique qui a définitivement déserté le sensible clinique de notre société. Le « bruit » à qui on a imposé une forme est simultanément dépossédé de toute sa vigueur « plastique » : à la fois informante, déformante et explosante.



The Exorcist (1973) de William Friedkin ne déroge pas à la règle du bruit entendu dans le grenier. Il est même symptomatique de cette dépossession1. Le bruit est « l'enfant entêté », l'idée fixe, le signe fixe (en Allemand Eigensinn comme le rappel Pascal Quignard) qui, à l'image du conte des frères Grimm, s'impose par un retour incessant, refusant d'être relégué au grenier. Il laisse apercevoir aussi l'indocile qui l'habite, celui qui plie les corps, qui déprave la langue et qui questionne le lien social.

Nous vous proposerons dans cette performance une invocation du « bruit », une rencontre avec le bruit sans présupposé de sa quiddité ou de sa forme.
Le film évidé en sera le réceptacle : à la fois une surface en creux, disponible à son échouage et à son inscription, toujours temporaire. Devant le film, une mascarade. Un rassemblement de personnes et d'objets qui s'activent et qui évoquent autant une messe qu'un doublage en postproduction. C'est ce « doublage », ce « dub » qui ouvrira un interstice, comme lorsque l'on constate que les paroles correspondent mal aux mouvements des lèvres. Une coupure relayée par une re-diagrammatisation des signes du film, rendus à leur indocilité inhérente. La langue, les images, les gestes, les sons seront pris dans de nouvelles configurations dynamiques, un « shape-shifting » qui conjurera le bruit des idéologies mortifères qui l'habitent et lui rendra la « plasticité » qui est la sienne. C'est l'entre-deux qui sera comme un œil ouvert (et une oreille) sur un champ de forces qui fait advenir et muter le bruit.
Une auscultation du bruit,  entre les coutures parfilées du film.
Une oraison abstraite jaculatoire qui exorcisera le bruit, mais à bas bruit.